La justice retoque la majorité municipale de Salses-le-Château (66) pour « excès de pouvoir ».
Extrait article L’Indépendant
Le tribunal administratif de Montpellier vient d’annuler plusieurs mesures de restriction du temps de parole lors des conseils municipaux et de l’espace d’expression des élus d’opposition de Salses-le-Château, dans les Pyrénées-Orientales.
Le jugement est inédit. Tout comme cette histoire politico-pagnolesque qui débute au printemps 2021. À cette époque le maire de Salses-le-Château, Jean-Jacques Lopez (divers gauche), élu pour son troisième mandat, décide de modifier le règlement intérieur du conseil municipal de sa commune, car elle a dépassé pour la première fois le seuil des 3500 habitants.
Or, ces nouvelles mesures imposent notamment des restrictions surprenantes des délais d’interventions lors des sessions. Il est décrété que « les conseillers municipaux prennent la parole dans l’ordre déterminé par le maire » et « disposent (désormais) d’une (seule) minute pour exposer les questions orales ». Le même délai est imparti s’agissant des procès-verbaux de séances mais « uniquement » pour une rectification à apporter. Au-delà, « le maire peut interrompre l’orateur et l’inviter à conclure très brièvement ». Et ce, au motif que « si chaque membre de l’opposition prend la parole sur chaque point à l’ordre du jour, les débats dureraient plusieurs heures ».
« En clair, le maire pouvait faire un monologue et voilà »
Pour deux (des six) élus d’opposition, « il s’agit d’une volonté évidente de limiter les droits de l’opposition ». » Le but est d’interdire tout débat démocratique et d’éviter toute publicité de ce qui se passe, dénoncent-ils.
En clair, on bâillonne le conseil municipal, le maire pouvait faire un monologue et voilà ».
Tous deux votent, seuls, contre la délibération qui est toutefois approuvée le 3 mars 2021. Puis, le 26 avril 2021, les deux protestataires saisissent le tribunal administratif de Montpellier, via leur avocat Me Philippe Capsié, pour « excès de pouvoir » afin de réclamer l’annulation de nombreux articles de ce nouveau règlement.
Et les opposants ont obtenu gain de cause ce 20 septembre sur la quasi-totalité de leurs requêtes.
Les magistrats viennent ainsi d’annuler les dispositions concernant le temps de parole des élus qui, selon eux, et bien qu’il ait été porté à 5 minutes par un nouveau règlement intérieur adopté le 14 avril 2022, « est insuffisant ». Les juges administratifs considèrent que la circonstance invoquée « ne justifie pas une limitation aussi stricte du droit d’expression des conseillers municipaux […] qui ne peuvent pas reprendre la parole sur une même affaire sauf autorisation du maire ». Rappelant que le règlement intérieur « ne doit pas être utilisé dans le but de priver un conseiller municipal du temps de parole dont […] il doit pouvoir bénéficier afin d’exposer son point de vue avec la clarté et la concision requises ».
Le tribunal a également invalidé l’article qui prévoyait que l’enregistrement des séances du conseil municipal par moyen sonore ou audiovisuel était « soumis à l’autorisation préalable et expresse du maire ». Aucun accord n’étant nécessaire. De même pour la mise à disposition d’un local aux élus minoritaires qui fixait la durée « au prorata temporis de leur représentation électorale ». Enfin, la justice a retoqué la commune en ce qu’elle ne réservait pas d’espace d’expression à l’opposition sur tous les supports de communication de la commune, au-delà du bulletin municipal.
La commune a ainsi été condamnée à une amende de 1500 euros à verser aux deux élus, satisfaits de cette décision. « Jusque-là, à Salses, il était compliqué de pouvoir s’exprimer en respectant la loi. C’était à l’image de certaines vieilles pratiques, concluent-ils. Le positif est que les élus de la majorité et de l’opposition vont pouvoir échanger et débattre ».
Extrait article L’Indépendant