Dans son documentaire Douce France, Geoffrey Couanon filme une classe de lycéens enquêtant sur un grand projet d’aménagement du territoire (le complexe Europacity), qui devait voir le jour à Gonesse, dans le Val-d’Oise, finalement abandonné : énorme mégacomplexe regroupant des loisirs, dont une piste de ski artificielle, des équipements culturels, des commerces, des hôtels et restaurants ainsi qu’un parc urbain et une ferme urbaine.
Ce projet devait bétonner 280 hectares de terres agricoles particulièrement fertiles dans le triangle de Gonesse avec la promesse de de créer 11 000 emplois avec un risque pour les petits commerces et les centres commerciaux déjà implantés.
Amina, Sami et Jennyfer se lancent dans une enquête sur ce projet. Mais a-t-on le pouvoir d’agir sur son territoire quand on a 17 ans ?
Ces jeunes citoyens vont à la rencontre d’habitants de leur quartier, de promoteurs immobiliers, d’agriculteurs et même d’élus de l’Assemblée Nationale et discutent des enjeux avec leur professeure et leur classe. L’échange d’arguments peut faire chanceler leurs certitudes, installer le doute.
Des adolescent.e.s dont la conscience politique et la conscience écologique sont, au départ, quasiment inexistantes. Des adolescent.e.s a priori indifférent.e.s à l’avenir des terres de leur région, séduit.e.s par contre, à l’avance, par ce qu’un projet peut leur apporter en matière de divertissement et d’emplois.
Amina envisage de travailler plus tard dans le social en s’occupant d’ados en difficulté, et veut manger des bonnes frites, faites avec des bonnes pommes de terre, qui poussent donc dans la terre, pas loin de chez elle. Elle aime la mode, la découverte des magasins de vêtements de seconde main à bas prix, des baskets éthiques, celle, aussi, juste à côté de chez elle, de l’AMAP d’Aulnay.
Jennyfer veut un travail bien rémunéré dans la finance, elle découvre l’existence d’une finance solidaire qui permet de sauvegarder les terres et de venir en aide aux agriculteurs.
Sami découvre le monde paysan et veut sauver les terres agricoles de la bétonnisation. Il s’intéresse au fonctionnement d’une AMAP (association pour le maintien d’une agriculture paysanne), le monde agricole lui paraît soudain plus en phase avec leur temps.
Jean Pierre Blazy, le maire de Gonesse vu en réunion publique mais les jeunes ne feront que le croiser et il refusera finalement de les recevoir. C’est un personnage fantôme mais particulièrement intéressant dans les questionnements qu’il suscite chez les lycéens sur le pouvoir et la responsabilité des élus locaux.
Jean-Yves Souben et Bernard Loup, vice-présidents du Collectif pour le Triangle de Gonesse, militants retraités écolos anti-consuméristes qui demandent leurs arguments aux jeunes, qui sont assez différents des leurs, mais qu’ils écoutent attentivement puisqu’ils sont aussi l’avenir.
Marie, la professeure de Géographie, qu’on sent particulièrement impliquée dans son enseignement, Thomas, professeur de Sciences Économiques et Sociales, et Hanane, professeure de Sciences de la Vie et de la Terre.
Douce France raconte une nouvelle génération qui se méfie du vieux monde consumériste promettant monts et merveilles : un centre commercial créera des emplois, dynamisera l’immobilier, leur dit-on, mais le refrain commence à dater.
En France, le bétonnage des terres agricoles représente l’équivalent de 10 terrains de football toutes les heures. Rien qu’en Ile-de-France, ce sont 1400 hectares de terre agricole qui sont perdues chaque année. Une partie non négligeable de ces surfaces est utilisée pour la construction de zones commerciales.
En 2019, d’importantes mobilisations citoyennes ont réussi à faire reculer l’État qui a annoncé l’abandon d’EuropaCity.
Amina, Sami et Jennyfer ont la chance d’avoir à leur côté des enseignant.e.s très impliqué.e.s qui ont formé des citoyens responsables, en se basant sur la Géographie (Les espaces urbains de l’agglomération parisienne / Acteurs en conflit dans la métropole) et l’éducation morale et civique (Comprendre les enjeux d’un travail d’enquête).
Un documentaire à voir par tous les citoyens, mais aussi les élus, les collectivités, les techniciens et animateurs territoriaux, les acteurs de l’urbanisme, de l’architecture, de l’aménagement, de l’économie, les entreprises, les commerçants, les artisans, les acteurs de l’ESS, de la transition, de l’alimentation, de l’agriculture, de l’éducation, les enseignants, les étudiants, les collègiens, les lycéens, les animateurs socioculturels, les associations de quartiers…
Pour aller plus loin :
Europa City, ou l’art de construire des pistes de ski en banlieue parisienne
